Quand Libégaro parle de l'école
On s’est frotté les yeux ce matin en tombant sur la chronique quotidienne de Pierre Marcelle dans Libé (26/05/2006), quoique... : Marcelle faisant l’apologie de Brighelli et de sa Fabrique du crétin. Marcelle qu’on appréciait jusque là pour sa clairvoyance, sa causticité, le regard distant qu’il portait sur l’actualité, Marcelle, donc, s’est attablé à son tour au Café du commerce, vidant son ballon de muscadet matinal pour enfiler sur l’école, comme des perles, les âneries brighelliennes. Avec un gros bon sens franchouillard. Comment en est-il arrivé là, Marcelle, qui, manifestement, ne connaît pas grand chose aux questions éducatives ? C’est tout bête : il a lu le Figaro. Et le Figaro de ce jour (24/05/2006), trouvait à redire sur le fait que l’autobiographie soit au programme du bac de français. C’était, bien sûr, l’occasion pour ce canard, comme à son habitude trafiquant et falsifiant la réalité, d’affirmer qu’Hervé Vilard avait remplacé Montaigne et Rousseau dans les programmes scolaires. Piège grossier émanant d’un journal qui s’est fait le héraut de la méthode syllabique, de la dictée, des bonnes vieilles méthodes et de la trique dans les écoles. Piège grossier qui, aujourd’hui, à la longue, ne trompe plus grand monde, à l’exception des ânes et des ignorants. Pierre Marcelle est de ceux-là. Sans recul, sans le moindre esprit critique, on le voit reprendre à son compte les attaques éculées contre "les Diafoirus d'IUFM", contre les pédagogues qui, eux, c'est bien connu, à l'inverse de Brighelli, renonceraient à exiger du "travail" de la part des élèves. Le savoir par les larmes, il n'y a que ça de vrai. Tombant tête baissée dans le panneau, il évoque le "délit d'opinion" dont Brighelli aurait été la victime expiatoire au jury du CAPES, alors qu'il s'agit d'une triste pantalonnade qui vit de Robien en personne intervenir en sa faveur, après une pitoyable et grotesque campagne médiatique. Peu lui chaut, à Marcelle, que le Figaro soit, dans le débat sur l’école, le fer de lance d’une faction ultra-conservatrice, celle qui a mis au premier plan les Le Bris, Boutonnet, Lafforgue,Brighelli, celle qui rêve ouvertement d’un retour à l’école et à la société d’il y a un siècle et dont l’inspiration vient directement de l’extrême-droite : les pamphlets nullissimes de Brighelli (La fabrique du crétin, A bonne école), la philosophie, les valeurs défendues par tous ceux qui avouent leur haine de l’école et – à vrai dire, ce serait plus franc de le reconnaître – des élèves, sont la transcription intégrale du projet éducatif du Front national. Et cet entrisme de l’extrême-droite dans le débat éducatif par l’intermédiaire d’une coterie qui tourne autour de Sauver les lettres¸ cela commence à se savoir et à se dire. Mais pas chez Marcelle, manifestement.
Il est affligeant qu’un quotidien comme Libération puisse orienter ses lecteurs, par la bouche d’un de ses collaborateurs, vers le blog nauséeux de Brighelli, un réceptacle où patauge toute une fange douteuse, hargneuse, haineuse, venue on sait bien d’où et qu’on préférerait voir ailleurs qu’à proximité des écoles, où un tartarin populiste, se répand en injures sordides sur ses contradicteurs, qui sont au choix des « khmers rouges », des « fachos », des « staliniens », quand bien même ils ne sont pas suspectés de nazisme parce que, comme il l’affirme, chercher à faire travailler les élèves dans la joie, « c’était aussi la doctrine d’Auschwitz » (sic).
En lisant ce matin le torche-cul de Marcelle, il m’est revenu à l’esprit le limogeage de Davidenkoff, il y a plusieurs mois. Il est clair que le vidage de la rédaction de Libé d’un des seuls journalistes compétents en matière éducative – et l’éducation est une matière hautement politique – était comme le signe avant-coureur d’une nouvelle ligne éditoriale. Celle du nouveau propriétaire ? Dans ce cas, on ne peut exclure que Libé se retrouve un jour avec davantage d’anciens lecteurs que de lecteurs. Ce jour-là, Marcelle, lui, retrouvera sans difficulté une place au Figaro.
[Le texte ci-dessus a été envoyé à Libération . On attend la réponse...Sur le même sujet, voir "Emmanuel Davidenkoff", Journal d'école (06/02/2006)]